Roger Mazelier, éclaireur des âmes en état de veille


Une vie et une œuvre au service de l’entendement du Bien

En Languedoc, il est notoire que le pin boule signale des maisons où le passant est certain de trouver l’hospitalité, où son anonymat sera respecté, où les échanges porteront sur les choses de la vie en direction du “Bien”.

Le grand arbre ne faisait qu’un avec la villa de la proche banlieue de la Ville Rose, un peu désuète derrière son mur de clôture. Roger Mazelier recevait ses visiteurs dans un bureau qui donnait sur la cour par une grande porte fenêtre. Sur les étagères de la bibliothèque placée derrière lui s’alignaient ses notes de lecture, accumulées dans une écriture fine et élégante sur des myriades de fiches, à portée de sa main puisqu’il lui suffisait de faire pivoter son fauteuil pour y accéder.

Son travail méticuleux, constant, silencieux envahissait nos conversations, effaçant les époques pour ramener sur sa table les textes de Guillaume IX d’Aquitaine, de l’archiprêtre de Hita, de Nerval, et fureter avec complicité l’art du verbe, servi par la mémoire étonnante de cet adepte de la Gaie Science. Car l’amour de ce langage dispose de voies insoupçonnées en son approfondissement.

Celui qui fut avec sa femme Elise un pilier de la Résistance à Toulouse, goûtait ainsi la “liqueur” suivant ce qu’il en écrivit : “(…) ne se point lasser de poursuivre la quête et découvrir la tradition hermétique dont Nerval se réclame… Il cite, soit nominalement, soit par des extraits spécieux aisément identifiables, les grands inventeurs d’énigmes encore non résolues du premier siècle, l’empereur Julien, Walter von der Vogelweide, Boèce, Laurent de Médicis, l’Académie platonicienne de Florence et le Songe de Poliphile, les initiés druses et la Gnose partout présente : il est impossible, sur ce discours toujours pareil hérité de la connaissance millénaire, de se prononcer sur ses fins: apologue ou parabole ? Là est la distance. Mais la Sophia meurtrie a perdu son chemin. Les étoiles espérées resteront silencieuses…”

Dans ce petit bureau furent conçus ses livres, trésors de nos cabinets de recherche, que furent Chronogrammes et Cabale chez les troubadours et l’Archiprêtre de Hita, Gérard de Nerval et l’humour divin

… Et ce si précieux Chat Roux que Roger Mazelier —conscient des difficultés que rencontrait la Société du Souvenir et des Etudes Cathares pour subsister—, me confia (au cours d’une de ces régulières visites auxquelles il m’invitait, le mercredi en fin de journée) à l’effet de préserver cette “flamme si frêle mais indispensable” (sic) dans le concert assourdissant des publications érudites qui engloutissent l’apprentis distrait.

La maintenance des Cahiers d’études cathares, expression d’une sensibilité partagée par de discrets et ardents chercheurs de sagesse, devait dès lors affronter la montée en puissance de récupérations indignes de l’histoire de la pensée et des hommes il y a sept cents ans. Le passage de témoin qui m’amena à poursuivre leur édition était suffisamment ancien pour que les vols d’oiseaux de mauvais augure aient trouvé en la proie facile de quoi satisfaire leur désir d’égo sous le manteau de la complicité entre gens avertis. Alors, Roger Mazelier, fidèle à sa ligne de conduite, m’apporta cette certitude que le temps de la résistance muette participe aussi à la maturité des consciences pourvu qu’en demeure la source. En quelques mots, la voie tracée.

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